Batman au cinéma

L'année 2009 marquera au mois de mai prochain, les 70 ans d'un héros dont la réputation n'est plus à faire, j'ai nommé Batman. La sortie en ce mois de février du DVD "The Dark Knight", nous permet, avec un peu d'avance, de souffler les bougies d'anniversaire d'un septuagénaire au sommet de sa forme. Créé par Bob Kane et Bill Finger le personnage de Batman voit le jour en 1939 dans le n° 27 de Detective Comics et son succès dépassera très vite le cadre de la bande dessinée inspirant avec diverses fortunes des œuvres diffusées aussi bien sur les écrans de télévision que dans les salles obscures. C'est cependant sur son parcours cinématographique que nous allons nous pencher. La carrière de Batman sur grand écran débute dès 1943 lors de sérials en noir et blanc diffusés en première partie de spectacle et comptent une quinzaine de chapitres. Batman (Lewis Wilson) et Robin (Douglas Croft) y combattent un vilain japonais (époque oblige) capable de transformer les gens en zombies électroniques. Les costumes, même s'ils prêtent à sourire aujourd'hui, sont plutôt respectueux de la bande dessinée et loin du ridicule de la série télé qui verra le jour dans les années soixante.


batman & robin 1943
1943 marque les premiers pas de Batman au cinéma

Batman connaîtra également une série télévisée en 1949 intitulée "Batman & Robin" où nos deux héros luttent contre le mystérieux Wizard. Mais c'est en 1966 que le Caped Crusader connaîtra les honneurs d'un long métrage en couleurs, tout simplement intitulé "Batman the movie" et qui donnera lieu à la série télévisée que tout le monde connaît aujourd'hui. Batman (Adam West) et Robin (Burt Ward) y affrontent leurs plus redoutables ennemis : le Joker, le Pingouin, le Sphinx et Catwoman qui bien entendu, ont décidé de contrôler le monde à l’aide d’une machine qui permet d’extraire l’eau de tout être humain. Quand on y réfléchit, nous ne sommes pas loin d’un des éléments du scénario de « Batman begins » mais le traitement y est tout autre. Le sérieux n’est pas à l’ordre du jour dans cette version de Batman bien qu’à la réflexion nous sommes en droit de nous demander si autant d’humour et de ridicule est absolument volontaire. Il faut voir Batman courir dans tous les sens, une énorme bombe dans les bras ne sachant comment faire pour s’en débarrasser, le même héros un requin accroché au mollet ou Batman et Robin se recueillir silencieusement suite au sacrifice d’un marsouin qui s’est volontairement mangé une torpille à leur place. Quand à la galerie de vilains, c’est à celui qui cabotinera le plus de Burgess Meredith et son très énervant cri de Pingouin ou de Cesar Romero qui n’avait même pas daigné raser sa moustache sous son maquillage de Joker. Bref, tout ceci donna quand même lieu à une série de 120 épisodes qui donnait dans le joyeux n’importe quoi entre les trucages préhistoriques et les onomatopées plein cadre. Mais ne crions pas trop vite à la trahison car il faut bien reconnaître que côté comics, l’ambiance avait été souvent similaire.
Toujours est-il qu’il faudra plus de vingt ans pour qu’un projet de Batman au cinéma soit envisagé, un projet qui cette fois-ci ne prêtera pas à sourire.


1966 : Burt Ward (Robin), Adam West (Batman) et Cesar Romero (Le Joker)

Nous sommes en 1989, Tim Burton réalise le projet et la Batmania s’apprête à déferler sur le monde. Et pour bien nous y préparer, les chansons de Prince inondent les ondes jusqu’à l’écœurement. Mais peu importe, les fans de Batman sont au rendez-vous et ne seront pas déçus. Adieu les ambiances colorées et les costumes laissant apparaître les ventres proéminents et bonjour l’univers sombre et gothique pour lequel Burton a opté. Michael Keaton interprète le justicier de Gotham et même si des hordes de fans mous du bulbe crient au scandale (il est vrai que l’acteur est loin de posséder la stature du personnage), on ne peut que saluer son interprétation de Bruce Wayne. Une fois le costume de Batman endossé, la magie opère. Et rien, ou presque, ne manque : la Batcave, la Batmobile, Alfred, le commissaire Gordon (mais malheureusement sous-employé voire inexistant), l’assassinat des parents Wayne et l’ennemi de toujours, le Joker. Il est cependant dommage que Batman passe parfois au second plan au profit de sa Némésis interprétée par un Jack Nicholson qui en fait des tonnes dans le registre de la démence. Mais on ne pouvait s’attendre à moins de la part d’un acteur aussi « énorme ». La musique de Danny Elfman, devenue depuis immédiatement reconnaissable, achève de faire de ce Batman cinématographique, une vraie réussite dont on peut encore se délecter aujourd’hui sans trop ressentir les outrages du temps.

Batman 1989
Batman (1989) : Tim Burton redonne ses lettres de noblesse au justicier de Gotham


Trois ans plus tard, et fort du succès planétaire du premier opus, on prend les mêmes et on recommence. Tim Burton aux commandes et Michael Keaton sous le masque du héros. Une fois de plus, le film est une réussite et l’univers sombre inhérent au justicier de Gotham est dépeint avec talent. Le problème, c’est que le réalisateur semble plus attaché aux personnages de Catwoman et du Pingouin et Batman est quelque peu relégué au second plan, une tendance qui se dégageait déjà du premier film. On connaît l’attirance de Tim Burton pour les personnages de monstres si l’on se penche sur ses autres métrages et avec « Batman returns », il donne libre cours à sa passion. L’univers de Batman n’est finalement qu’un moyen pour parler de son domaine de prédilection. Autre problème, pour un film de super-héros : les scènes de combat sont un peu rigides et rapidement expédiées. Il n’en demeure pas moins que le second film de Batman est un très bon film, un conte noir et sombre dont on ne peut qu’apprécier la qualité mais peut-on dire qu’il s’agisse réellement d’un film de Batman ?

Batman le défi
Batman, le défi (1992): Michelle Pfeiffer (Catwoman) et Danny De Vito (Le Pingouin)


La franchise Batman demeure très lucrative et en 1995, un troisième chapitre s’écrit. Si Tim Burton reste à la production, tout le reste change (excepté Alfred). Joel Schumacher réalise, Val Kilmer est Bruce Wayne et Robin fait son apparition. Commence alors l’ère du n’importe quoi. Même si le métrage débute par une scène efficace (un hélicoptère emplafonne la statue de la liberté) et un plan large de Gotham impressionnant, la suite n’est pas que source de réjouissance. Jim Carrey et Tommy Lee Jones (respectivement dans les rôles du Riddler et de Two-Face) cabotinent comme si leur vie en dépendait et on ressent vite la désagréable impression de se retrouver dans une version super-héroïque de La cage aux folles, impression renforcée par les gros plans insistants sur le fessier ou l’avant du slip de Batman. N’y voyez là bien sûr aucune remarque homophobe, ce n’est pas le cas, mais juste un pointage du doigt sur un parti pris évident et gratuit de la part du réalisateur qui n’apporte rien à l’histoire. Côté héros, Val Kilmer s’acquitte plutôt bien de sa tâche et Chris O’Donnell interprète un Robin convaincant bien qu’on aurait apprécié une différence d’âge plus importante entre lui et son mentor. Au final, Batman Forever se suit quand même sans trop de déplaisir mais laisse un arrière-goût qui augure du moins bon pour la suite.

batman forever
Batman Forever (1995) : Tommy Lee Jones, Val Kilmer, Chris O’Donnell et Jim Carrey


Batman & Robin, en 1997 signe la fin (temporaire) d’une franchise à succès. Pour ceux qui pensaient que Joel Schumacher avait donné son maximum pour précipiter Batman au fond du gouffre, ils allaient apprendre que les limites, ça peut parfois se repousser plus loin qu’on ne le croit. Nouvel interprète pour Batman (George Clooney, excellent acteur, qui ici traverse le métrage en toute décontraction, semblant parfois se demander ce qu’il fait là) et une foule de personnages qui viennent animer la galerie : Robin (une fois de plus), Mr Freeze, Poison Ivy, Bane et Batgirl. C’est que ça fait du monde, trop de monde. Mais le problème n’est pas là, pas seulement. Le côté sombre initié par Burton est définitivement abandonné au profit d’un déluge de couleurs qui agressent la rétine, les dialogues sont parfois à se tordre de rire par leur côté involontairement drôles voire pas drôles du tout (mention spéciale à Mr Freeze) et le scénario accumule les incohérences et les facilités (Alfred avait apparemment prévu de longue date la « naissance » de Batgirl). A l’issue du film, le fan de Batman est forcément frustré et se demande si finalement le côté kitsch de la série télé des sixties n’aurait pas fait son retour. De la à dire que la boucle est bouclée ?

batman et robin
Batman & robin (1997) : Uma Thurman, Arnold Schwarzenegger, Chris O’Donnell et George Clooney.


Mine de rien, il aura fallu attendre 8 ans pour revoir Batman au cinéma. Et le résultat est à la hauteur de l’attente. Comme la franchise a du plomb dans l’aile, une solution s’impose alors : le redémarrage à zéro. Christopher Nolan est choisi pour réaliser « Batman Begins » et Christian Bale pour incarner Bruce Wayne/Batman ainsi qu’un casting plutôt solide (Michael Caine, Liam Neeson). L’histoire repart sur des bases saines et commence par décrire le parcours qui mène un enfant témoin du meurtre de ses parents à devenir un justicier masqué qui terrorisera la faune de Gotham City. Le héros évolue cette fois dans un cadre définitivement plus urbain et réaliste que les univers fantasmés par Burton ou Schumacher, même s’il est toujours délicat de parler de réalisme dans le cadre d’un film de super-héros. Toujours est-il que tous les éléments du film concourent à nous faire croire à l’évolution du personnage et aux moyens qu’il utilise pour devenir Batman. Et on y croit. De son chemin de croix lorsque Bruce Wayne quitte Gotham à la construction progressive du héros et de sa logistique, tout fonctionne à merveille. Les empreints au « Batman Year one » de Frank Miller et David Mazuchelli sont évidents et on ne peut que s’en réjouir. Le film est passionnant et on est en droit de se dire qu’enfin voici le premier vrai long métrage consacré à Batman. Et ce ne sont pas quelques défauts mineurs qui viendront entacher notre plaisir. On notera par exemple et une fois encore, le problème de la chorégraphie des combats. S’ils étaient mous du genou chez Burton, saturés de couleurs chez Schumacher, ils sont parfois indéchiffrables chez Christopher Nolan (la baston finale dans le train aérien en est un bon exemple). Il est également étrange de remarquer que la machine à vaporiser l’eau n’a aucun effet sur l’eau contenu dans le corps humain, mais c’était juste pour chercher la petite bête. A noter sinon dans la colonne des petits plus : l’utilisation à sa juste valeur du personnage du commissaire Gordon, traité jusqu’à présent par-dessous la jambe dans les autres films. Au final, un excellent redémarrage des aventures de Batman. Et un espoir pour la suite.

batman begins
Batman begins (2005) : Christopher Nolan ressucite le mythe.


La suite s’intitule « Batman : The Dark knight » et sort sur les écrans français en août 2008 pour bientôt atterrir dans vos platines de salon à n’en point douter. En effet, Le chevalier Noir est sans conteste l’un des évènements de l’année passée, se positionnant au-delà du film de super-héros et pulvérisant tous les records au box-office. L’ombre de Batman plane désormais sur Gotham et la pègre hésite à agir jusqu’à ce qu’une nouvelle figure du crime apparaisse sous les traits du Joker et sème le chaos. Ce dernier exige la reddition de Batman sous peine de continuer à tuer au gré de son inspiration. De son côté, Bruce Wayne commence à douter du véritable rôle de Batman et des dérives qu’il inspire et voit en la personne du district attorney Harvey Dent, une figure de justice sur laquelle il est prêt à miser ce qui lui permettrait de se retirer. Mais l’immoralité et la folie du Joker vont obliger le chevalier noir à mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour arrêter le psychopathe.

Harvey Dent et Bruce Wayne
The Dark Knight (2008): Harvey dent (Aaron Eckhart) et Bruce Wayne (Christian Bale)


« Batman : Le chevalier noir » n’est pas à proprement parler un film de super-héros. Ancré de plus en plus dans une réalité qui s’éloigne de l’esthétique BD, il prend des allures de polar épique à la Michael Mann, réalisateur souvent cité lorsqu’on parle de ce second Batman réalisé par Chris Nolan. Et c’est vrai que le métrage possède toutes les caractéristiques du film « policier » dans ce qu’il a de meilleur (à ce propos, le commissaire Gordon trouve enfin la place qu’il mérite dans l’univers cinématographique de Batman). Action, suspens, braquage de banque et poursuites en voiture, rien ne manque au catalogue du polar pur et dur. Ajoutez à cela un méchant déjanté et un héros torturé dont les affrontements seront autant physiques que psychologiques et vous obtenez deux heures et demie d’un film que vous n’êtes pas prêts d’oublier, toutes catégories confondues. Côté casting, il est toujours plaisant de constater que tous les acteurs du premier film (à l’exception de Katie Holmes sans doute occupée à des tâches plus scientologues) ont repris du service. C’est donc avec plaisir que l’on retrouve Christian Bale, Michael Caine, Morgan Freeman et Gary Oldman, tous impeccables dans leur rôle respectif. Pour ce qui est de l’interprétation du regretté Heath Ledger dans le rôle du Joker, tout ce que vous avez pu entendre à ce sujet est vrai : il est tout simplement incroyable. Loin de l’interprétation cartoonesque de Jack Nicholson dans l’incarnation précédente du personnage, Heath Ledger interprète un Joker qui ne prête pas à sourire et fait souvent froid dans le dos sans que l’acteur n’ait jamais à forcer le trait. Bref, un véritable tour de force. « Batman : Le chevalier noir » est un film qui parle de l’éternelle lutte entre le bien et le mal, un sujet certes pas très original, mais qui trouve ici l’un de ses plus beaux exemples et qui montre jusqu’où peut aller un héros (le sacrifice de soi) pour que survive son idéal. Un beau film de super-héros. Un beau film tout court.

Heath Ledger
Heath Ledger est nominé pour l’oscar du meilleur second rôle.


Après le succès public et critique de ce dernier Batman et la fin ouverte qu’il propose, il est certain qu’une suite verra le jour. Il faudra pour cela attendre le courant de l’année 2011. Il ne reste donc plus qu’à s’armer de patience et espérer que les autres cieux super-héroïques seront aussi cléments.

Le Padre
A suivre


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2 commentaires

Sylvain a dit…

Excellent article.
Bonne critique de The Dark Knight.

Francky a dit…

oui et la comparaison avec Michael Mann est judicieuse.

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