Watchmen : du 9ème au 7ème art...

Véritable serpent de mer, l’adaptation cinématographique de l’œuvre d’Alan Moore (scénario) et de Dave Gibbons (dessins), réalisée par Zack Snyder, débarque dans les salles françaises le 4 mars 2009.


Dans l’industrie du comic book, nombreux sont ceux qui considèrent qu’il y a un avant et un aprèsWatchmen. Assimilé à un roman graphique aux Etats-Unis, l’œuvre est notamment classée par Time Magazine parmi les cents meilleurs romans en langue anglaise depuis 1923. Si les dessins de Dave Gibbons ont un peu vieilli, en comparaison de ce que propose aujourd’hui le film réalisé par ZackSnyder, le scénario d’Alan Moore continue à faire référence en ce qu’il réinvente les codes appliqués jusqu’alors dans les histoires de justiciers masqués.

Edité par DC Comics à partir de 1986, Watchmen (initialement publié en France sous le titre Les Gardiens) dépeint une Amérique alternative. Richard Nixon est toujours président, la guerre du Vietnam a été remportée, les justiciers masqués font partie du quotidien et la troisième Guerre mondiale menace d'éclater avec le bloc communiste. Enquêtant sur le meurtre d’Edward Blake, alias Le Comédien, Rorschach, détective un peu usé mais non moins déterminé, découvre qu’un complot vise à éliminer l’ensemble des justiciers. Il s’empresse donc d’en informer ses anciens partenaires, Les Watchmen.


Compte tenu des récompenses internationales décernées au comic book (Prix Hugo 1988, Prix du meilleur album étranger au Festival d'Angoulême 1989), une adaptation de Watchmen est rapidement envisagée pour le grand écran. D’importantes péripéties juridiques et financières ralentissent cependant le projet. Terry Gilliam (Brazil, Las Vegas Parano), Darren Aronofsky(Requiem for a Dream) et Paul Greengrass (La Mort dans la peau) sont ainsi successivement pressentis pour la réalisation. Finalement, Warner Bros fait appel au talentueux Zack Snyder (Sin City) sur la foi d’extraits de son adaptation de 300.

Alan Moore s’inspire de personnages dont les droits ont été rachetés par DC Comics à CharltonComics en 1983. Ces personnages sont repensés pour se détacher de leurs modèles, mais aussi pour les rendre plus réalistes. Ils semblent à cet égard emprunter autant à l’univers de DC qu’à celui de Marvel. S’il s’inspire de Question, Rorschach contourne la justice pour mieux l’appliquer, ce qui le rapproche également du Punisher. Le Comédien s’inspire, lui, du Peacemaker, mais rappelle aussiWolverine, à travers sa pilosité, ses cigares et son tempérament aussi cynique qu’asocial. De même que son modèle Blue Beetle, Le Hibou est policier le jour et pilote un engin volant. Son costume d’oiseau de nuit évoque toutefois celui de Batman, le film de Zack Snyder accentuant d’ailleurs le rapprochement. S’il s’inspire enfin du Captain Atom, le Dr Manhattan, se démarque des autres justiciers par la supériorité de ses pouvoirs et n’hésite pas à s’isoler dans ce qui ressemble fort à une forteresse de la solitude…


Se méfiant des studios hollywoodiens, Alan Moore refuse que son nom soit crédité au générique des adaptations dont il ne détient plus les droits. Des lecteurs du comic book, farouchement opposés à sa transposition au cinéma, n’hésitent pas non plus à critiquer le travail réalisé parZack Snyder sur 300. De même que Comic Screen, certains détracteurs sévissent ainsi surFacebook !

Reste que Zack Snyder est parvenu à enthousiasmer les fans lors de rencontres organisées à SanDiego en 2007 et 2008.

D’une part, parce que les effets spéciaux ont considérablement évolué ces dernières années. Comme le reconnaît le réalisateur, « cela aurait été fait il y a dix ans, Dr Manhattan n’aurait été qu’un comédien peint en bleu, pas un personnage en 3D animé en temps réel par l’acteur. Billy [Crudup] était d’ailleurs tous les jours bleu également pendant le tournage avec des diodes et des capteurs partout pour saisir ses expressions » (Comic Box H-S 2009, p. 9). S’étant par ailleurs illustré au travers de films dont les effets spéciaux sont remarquables, comme Sin City et 300,Zack Snyder ne devrait donc pas connaître les écueils qu’ont pu rencontrer certaines adaptations de super héros (Hulk de Ang Lee, Catwoman de Pitof).


D’autre part, l’engouement suscité par Zack Snyder s’explique par sa fidélité au comic book. D’emblée, on ne peut qu’être frappé par l’esthétisme du film, très proche des dessins de Dave Gibbons. Contrairement à Alan Moore, celui-ci a d’ailleurs accepté de collaborer au film en conseillant Zack Snyder. Les rares modifications apportées à l’univers du comic book, comme celles relatives aux costumes portés et aux couleurs employées, ne font qu’embellir le travail de Dave Gibbons. Zack Snyder n’entend pas non plus s’écarter du scénario du comic book. Les acteurs l’ont ainsi reçu en guise de script. Dans la mesure où les oeuvres d’Alan Moore sont réputées pour leur profondeur et leur maturité (V pour Vendetta, Swamp Thing, From Hell), le film devrait dès lors plus se rapprocher, sur le fond, de Incassable ou de Dark Knight que des adaptations bancales de Batman portées à l’écran par Joel Schumacher ou même de X-Men 1. D’autant que Zack Snyder s’est gardé de transposer l’histoire des Watchmen à notre époque. Alors que cela aurait été discutable pour d’autres adaptations (comme Iron Man), le respect ducomic book sur ce point renforce la crédibilité du film. De l’avis même de Zack Snyder, « (…) le fait que cela se passe en 1985 et qu’on ne le fasse qu’aujourd’hui donne un air de classique au film. On n’est plus dans le démodé. On est dans le classique » (Comic Box H-S 2009, p. 9). Comme dans le comic book, le recours à l’uchronie (réécriture de l’Histoire à partir de la modification d’un événement du passé) permet en effet d’éviter l’anachronisme de certains thèmes (guerre froide, peur de la fin du monde). Respect du comic book oblige encore, point non plus de happy endhollywoodien !


La durée du film est de 2 heures et 42 minutes, ce qui est déjà en soi un tour de force tant l’œuvre d’Alan Moore et de Dave Gibbons est dense. Certaines scènes ont été ainsi écartées. L’assassinat du mentor du Hibou fait par exemple l’objet d’un simple flash télévisé. Toutes les scènes coupées au montage figureront cependant dans le DVD et le Blu-ray. Quant à L’Histoire du Cargo Noir (Tales of Black Freighter), lue tout au long du comic book par un adolescent et censée représenter l’apocalypse qui se profile, elle ne sera présente que dans la version « UltimateWatchmen Cut » dont la durée approcherait 3 heures et 25 minutes. Ce choix est judicieux dans la mesure où cette histoire dans l’histoire n’est pas indispensable et que ses adeptes pourront la retrouver.

Contrairement à DC Comics qui a fait la promesse à Alan Moore et à Dave Gibbons de ne pas éditer de suite à Watchmen, Warner Bros. ne serait pas opposé  à ce qu’un autre film puisse voir le jour. Au-delà de la volonté exprimée par les auteurs du comic book, la pertinence d’un tel projet prête à discussion. D’abord, parce que si le prolongement de certaines aventures de super héros a pu s’avérer salvateur (X-Men 2, L’Incroyable Hulk), tel n’a pas toujours été le cas (Superman IV, Batman & Robin, X-Men 3). Ensuite, parce que Watchmen est une histoire aboutie, conçue pour se suffire à elle-même, ce qui par hypothèse rend quasi-impossible toute suite. D’où la promesse faite aux auteurs…

Si un nouveau film était néanmoins mis en chantier, l’éventuel échec ou succès rencontré par l’adaptation de Zack Snyder en conditionnerait immanquablement la réalisation. En cas d’échec, un « reboot », c’est-à-dire une remise des compteurs à zéro, permettrait de faire abstraction du premier film (comme ce qui a été décidé après les succès mitigés du Hulk de Ang Lee et du Superman Returns de Bryan Singer). Il s’agirait alors de repartir du scénario d’Alan Moore. En cas de succès, une préquelle, c’est-à-dire une aventure réalisée après le film de Zack Snyder mais dont l’action se déroulerait antérieurement à celui-ci, serait envisageable (comme pour les filmsWolverine et Magnéto dont les réalisations font écho à la trilogie X-Men). Rien n’empêcherait que des suites se détachant du scénario du comic book, telles que Le Journal de Rorschach ou Edward Blake, alias Le Comédien, soient portées à l’écran. Rien… sauf les fans purs et durs – Gardiens - de l’œuvre d’Alan Moore et de Dave Gibbons !


Watchmen, produit par Warner Bros., réalisé par Zack Snyder et interprété par Patrick Wilson, Jackie Earle Haley, Matthew Goode, Billy Crudup, Jeffrey Dean Morgan, CarlaGugino, Stephen McHattie, Matt Frewer et Malin Akerman. Sortie française, le 4 mars 2009.

Superboy

Aucun commentaire

Fourni par Blogger.