Zorro et les super héros - Interview de l’auteur Isabel Allende

Après avoir conquis plus de 350 000 spectateurs à Londres, la comédie musicale « Zorro », inspirée du roman d’Isabel Allende paru en 2005, triomphe actuellement aux Folies Bergère.


Le 14 novembre dernier, la célèbre auteur chilienne (« La maison aux esprits », « Fille du destin », « Portrait sépia ») donnait une interview à nos confrères du site Le Matin Dimanche.

L’occasion pour Isabel Allende de revenir sur son approche de Zorro, mais aussi de donner son point de vue sur les super héros en général.

Qu'est-ce qui vous a donné envie d'écrire sur la légende de Zorro ?

En fait, ce n'était pas mon idée. A l'été 2005, Zorro Productions, qui détient le copyright, m'a demandé d'écrire un livre. Ils m'ont dit qu'ils avaient tout fait avec Zorro, films, séries télévisées, bandes dessinées, costumes, même des tasses à café, mais qu'il manquait une oeuvre littéraire. Au début, j'étais un peu offensée - je n'écris pas sur commande ! - mais je me suis souvenue d'Antonio Banderas dans ces films et j'ai décidé de tenter l'aventure. Peut-être aurai-je la chance de voir Antonio Banderas en personne...

Qu'est-ce qui vous fascine le plus chez ce personnage mythique ?

Zorro est un personnage d'action charmant. Il n'a pas de pouvoirs spéciaux, il n'est pas Superman, Spider-Man ou Batman (tous trois inspirés de Zorro). C'est juste un homme qui met un masque et risque sa vie en luttant pour la justice. Il n'est pas violent, il préfère humilier l'ennemi plutôt que le tuer. Il a un vrai sens de l'humour, il est espiègle, joueur, intelligent, courageux, athlétique, et il est très souvent amoureux...

Quelle liberté reste-t-il à un auteur lorsqu'il s'attaque à une telle légende ?


Je ne pouvais pas changer trop le personnage, je ne pouvais pas l'habiller en rose ou en faire un gros (ce qui ne signifie pas que c'est ce que je voulais !). L'histoire devait se dérouler au début du XVIIIe siècle en Californie, à Mexico ou en Espagne. Ce devait être un roman pour tous les âges, donc sans scènes de sexe explicites. Autrement, j'avais beaucoup de liberté parce que j'ai choisi d'écrire l'histoire de Zorro enfant, avant qu'il ne devienne le héros légendaire, j'ai donc pu inventer tout ce que je voulais. Par exemple, je lui ai donné une mère indienne et ai fait de Bernardo son «frère de lait» plutôt que son esclave.

Quel a été le plus grand défi ?

Le challenge a été d'imaginer quelque chose de frais et de nouveau. Il y avait déjà trop de versions de Zorro. Pouvais-je amener quelque chose de totalement différent ? Le faire très jeune et expliquer comment et pourquoi il est devenu Zorro était ma meilleure possibilité.

Etiez-vous inquiète quant à la question de l'exactitude ?

J'ai essayé d'être juste quant aux faits historiques et géographiques pour créer un scénario qui soit crédible et où je pouvais bouger mes personnages sans risque. Mais je n'ai pas essayé de faire coïncider mon intrigue avec les séries télévisées ou les films.

Comment avez-vous procédé ? Avez-vous fait beaucoup de recherches ou étiez-vous plutôt dans une démarche plus intuitive ?

J'ai regardé quelques-unes des vieilles séries et tous les films; ensuite, j'ai un peu enquêté sur cette période historique et visité les endroits où ses aventures se situent : le sud de la Californie, Barcelone et La Nouvelle-Orléans.

Quelle a été la plus grande liberté que vous avez prise par rapport à la légende ?


J'ai métissé le sang de Zorro: sa mère était une Indienne, son père un Espagnol. Je me suis inspirée de la mythologie des Natifs d'Amérique. J'ai aussi fait de Bernardo un personnage très important, il est l'opposé de Diego de la Vega. Diego est théâtral, extraverti, imprudent, astucieux alors que Bernardo est un orphelin indien, calme, prudent, éternellement amoureux de la même fille, dur avec lui-même. Diego s'attire toujours des ennuis et Bernardo est toujours prêt à le sauver. En jouant avec leurs différences, j'ai été capable de mieux définir leurs caractères.

En travaillant sur le personnage de Zorro, avez-vous découvert des aspects nouveaux qui vous ont surprise ?

Après quelques semaines d'écriture, le personnage a commencé à faire des choses inattendues, il devenait vivant. Par exemple, il m'a dit que le masque n'est pas là pour recouvrir son visage, mais ses oreilles protubérantes. Plus tard, j'ai découvert que Zorro aime toujours des femmes qui ne l'aiment pas en retour, et qu'il est incapable d'apprécier l'amour de la femme qui l'aime le plus : Isabel de Romeu. Oui, elle est mon alter ego (rires) !

Vous montrez davantage l'humanité de Zorro que sa face héroïque.

Je n'aime pas les super héros, ils sont prévisibles, souvent inutilement violents et jamais crédibles. J'aime les personnes complexes et pleines de contradictions, qui ont la volonté de surmonter leurs peurs et vivent leur vie pleinement, ceux qui prennent des risques et paient les conséquences de leurs fautes, ceux qui tombent à genoux et se relèvent à nouveau.

Pourquoi Zorro fascine-t-il toujours autant ?

Comme je l'ai dit, Zorro est une personne normale. Nous ne pourrons jamais être comme Superman, mais chacun de nous peut se fantasmer en Zorro. Zorro n'est pas un personnage tragique, son obsession pour la justice est légère, c'est un jeu plus qu'une croisade. Il peut se moquer de lui et du monde. Il est romantique, loyal, courageux, drôle, il est particulièrement attirant pour les femmes. La plupart des fans de Zorro sont d'ailleurs des femmes qui ont entre 20 et 35 ans. Elles rêvent toutes de Zorro : un bel amant latin qui escalade leur balcon (en l'absence de leur mari ou copain), leur fasse l'amour toute la nuit et disparaisse le lendemain matin sans laisser de trace. Il n'y a pas de culpabilité car elles ne savent même pas qui il est : il porte un masque. N'est-ce pas pratique ?


Zorro, la comédie musical :
jusqu’au 30 avril 2010, aux Folies Bergères, 32 rue Richer, Paris 9e.
Tel. : 01.55.26.10.10

Superboy

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