Les sérials : les premiers pas des super héros à l'écran


Aujourd'hui, les long-métrages diffusés au cinéma sont toujours précédés par des annonces publicitaires et les bandes-annonces des films à venir, et bien sachez qu'il n’en a pas toujours été ainsi! En effet, cette place était autrefois occupée par ce qu'on appelait dans les années 30 des sérials. Composés en général d'une douzaine d'épisodes, ces court-métrages d'une vingtaine de minutes étaient diffusés en première partie du film avec pour but avoué de fidéliser les spectateurs. Chaque sérial suivait en général le même schéma : la méthode consistait à entretenir la tension et la curiosité par la fameuse interjection en fin de projection : "La suite au prochain épisode !"

Les sérials ne pouvant bénéficier de moyens équivalents à ceux des long-métrages, les équipes de production recélaient alors d'ingéniosité pour combler ce manque. Diverses méthodes sont employées pour réduire les dépenses : réutilisation des scènes de combat, des cascades, des décors…

Si ce genre quelque peu désuet a aujourd'hui totalement disparu des salles obscures, il fut à l'époque un véritable phénomène, attirant et fidélisant des foules toujours plus avides d'action et d'évasion. Les sérials n'hésitaient pas alors à emmener le spectateur là ou les films de l'époque n'osaient pas toujours s'aventurer : le frisson, l'aventure et la science fiction étaient les maîtres mots de ces petites séquences, et c'est dans ce contexte que les super héros firent leurs premiers pas à l'écran. Les sérials se font ainsi rapidement une spécialité des adaptations de bandes dessinées de l'époque.


Le premier héros de comics à apparaître dans un sérial fut Flash Gordon. Les trois sérials qui lui sont consacrés : "Flash Gordon" (1936), "Flash Gordon's Trip to Mars" (1939) et "Flash Gordon Conquers the Universe" (1940) rencontrèrent un énorme succès populaire et participèrent à la légende du personnage. Dès lors, les super héros s'enchaînent : Zorro (1937), The Lone Ranger (1938 et 1939), Mandrake (1939), The Green Hornet (1940), The Shadow (1940)...




En 1940, le super héros que tout le monde adule se nomme Superman, c'est donc tout logiquement que les studios « Republic Pictures » pensent à l'homme d'acier pour leur nouveau sérial. Mais les éditeurs de Superman laissant traîner les négociations, les studios se rabattent sur un autre super héros : Captain Marvel.

Pas moins de cinq scénaristes se relaient sur la série pour offrir sans doute l’un des serials les plus inventifs de l'époque ! La réalisation est confiée à William Witney et John English, l’un filmant les scènes de studio tandis que l’autre filmait en extérieur, une formule parfaitement rôdée qui assurait un gain de temps non négligeable et donc un budget réduit en conséquence. Quelques libertés sont prises par rapport aux comics : les origines du super héros, l'utilisation d'une mitraillette, Captain Marvel n'hésitant pas à tuer des indigènes, ce que les comics n'auraient jamais toléré. Quoi qu'il en soit le sérial est une réussite, l'action est omniprésente : les cascadeurs de l'époque prennent alors des risques insensés en sautant sur des voitures à pleine vitesse et en ne rechignant jamais sur la castagne. Les effets spéciaux sont également remarquables pour l'époque et pour la première fois à l'écran les spectateurs assistent au spectacle d'un homme qui vole. Le secret de fabrication de ce tour de force resta un mystère pendant des années jusqu'à ce que la "magie" fut enfin révélée : il s'agissait en réalité d'un mannequin accroché à un fil, bras et jambes tendus mais la distance, l'angle et des bruitages savamment dosés permettaient une illusion parfaite.





C'est ensuite au tour de Batman de se voir consacré dans un sérial. Réalisée en quinze chapitres par Lambert Hillyer et produite par « Columbia Pictures », la première adaptation live de la bande dessinée « Batman » sort le 16 juillet 1943 aux États-Unis.

Batman et Robin y affrontent le Docteur Daka, un espion japonais, inventeur d'une machine diabolique pouvant contrôler les esprits. La nationalité du vilain n'est pas anecdotique. Le sérial ayant été tourné durant la seconde guerre mondiale, il était monnaie courante à l'époque de distiller des éléments racistes à l'encontre des Japonais dans les œuvres populaires américaines de fiction. Si la batmobile est remplacée par une Cadillac et si le Docteur Daka est un méchant inédit, les principaux éléments des comics sont présents : on y retrouve Alfred le majordome, les costumes et l'identité des personnages Bruce Wayne et Dick Grayson sont bien respectés. C'est dans ce sérial qu'apparaît pour la première fois la Batcave dont l'entrée était alors dissimulée derrière une horloge. Le désormais célèbre quartier général de Batman fut ensuite adopté par les comics, tout comme l'apparence d'Alfred qui dans la bande dessinée était bedonnant et rasé de près, alors que le sérial présente un Alfred mince et moustachu. Le sérial influença donc les comics et participa grandement à la popularité du personnage. Le sérial « Batman » fut édité en cassette vidéo à la fin des années 80 dans une version amputée de certains contenus considérés comme racistes. En 2005, Sony distribuera en DVD une nouvelle version non censurée.




Alors que bien d'autres super héros ont entre temps été adaptés avec succès : Spy Smasher (1942) le casseur de Nazis, le Fantôme du Bengale (1943), The Masked Marvel (1943) ou encore Captain America (1944), il faudra attendre 1948 pour que le super héros le plus populaire de la planète soit enfin adapté dans un sérial. Sobrement intitulé « Superman », le sérial produit par « Columbia Pictures » reprend les principaux éléments de la mythologie de Superman initiés par Jerry Siegel et Joe Shuster : Jor-El, la destruction de Krypton et son arrivé sur Terre, Loïs Lane, Jimmy Olsen, le Daily Planet etc... Superman, interprété par Kirk Alyn, y affronte Spider Lady, un esprit machiavélique dont l'unique but est de réduire en cendre des villes entières grâce à un appareil qui émet un rayon laser meurtrier... Le succès est immédiat, "Superman" devient le sérial le plus populaire jamais tourné, si bien qu'en 1950, un deuxième sérial "Atom Man Vs Superman", toujours avec Kirk Alyn dans le rôle titre, est produit pour la télévision. L'éternel rival de Superman : Lex Luthor y sera cette fois-ci le méchant principal.



Puis, les sérials disparaissent progressivement des salles obscures, la faute à un changement d'ordre économique empêchant Hollywood de produire ces séries B à la chaîne, l'arrivée de la télévision dans les foyers et à un niveau d'exigence toujours plus élevé de la part du spectateur. Le format finira par renaître à la télévision sous la forme qu'on lui connaît aujourd'hui : les séries télévisées.

Souvent considérés, et même à leur époque, comme un genre mineur, on minimise souvent l'importance de ces sérials et l'influence qu'ils ont eu sur la culture populaire américaine. Pourtant si le sérial s'est en effet beaucoup inspiré des bandes dessinées, les comics eux aussi ont largement puisé leur inspiration dans les sérials. Outre la Batcave, introduite dans le sérial "Batman" et repris plus tard dans les comics, il est intéressant de mentionner le sérial muet "The Green Archer" produit en 1925 et librement adapté d'un roman d'Edgar Wallace, qui peut sans conteste revendiquer la paternité de l'Archer Vert, super héros phare de l'univers DC. Quant à Rocketeer, il n'aurait jamais existé sans "King of the Rocket Men" (1949-1952).


A noter, l'excellente initiative de la chaîne Allociné TV (disponible gratuitement sur le câble, l'ADSL et le satellite) qui diffuse en ce moment à raison de trois soirs par semaine certains sérials à travers son émission "Sérials en série".



Benoît

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